La pantonymie ? Non, rien à voir avec la pantomime dans laquelle on s’exprime au moyen de gestes, sans avoir recours à la parole. La pantonymie, cela consiste tout simplement à désigner un terme par un autre, beaucoup plus générique et très vague.
Que désigne-t-on ?
Désigner, oui, mais quoi et quand ? Et bien, on se sert tout bêtement d’un pantonyme quand on n’arrive pas à qualifier un objet, une situation ou même une personne. On invente alors un mot ou on se sert d’un mot passe-partout car on a oublié le mot juste ou on l’ignore.
C’est ainsi que l’on retrouve « truc », « machin », « chose » et autres « bidules ». Comment les différencier ? Là est la question ! Pour simplifier, disons que truc serait quasiment frère de machin tandis que bidule entretiendrait un certain cousinage avec chose, cette dernière méritant sans doute une place d’honneur.
Mais ce n’est pas toujours aussi simple puisque machin peut servir à désigner un truc ou un bidule que l’on ne peut ou que l’on ne veut pas nommer. Lorsque c’est vraiment introuvable, on est alors face à une sorte de « schmilblick » qui est en fait un machin truc innommable tout autant qu’indéfinissable. L’avantage du « schmilblick », c’est que l’on sait que c’est quelque chose mais ce quelque chose, on sait également qu’on ne peut pas savoir ce qu’il est, d’où une recherche vouée par définition à l’échec !
Une petite exception quand même. Quand on dit par exemple : « J’ai trouvé ce machin. Je ne vois vraiment pas ce que ça peut être. », on est soi-même face à un « schmilblick » mais le fait d’en parler à un quidam permettra fort probablement de lui trouver un nom et de le faire ipso facto sortir de cette catégorie nébuleuse.
Une manifestation émotionnelle ?
Un pantonyme peut-être très déceptif quand il désigne une personne. « Tu en penses quoi de machin ? ». Là, on oublie, volontairement ou pas, son nom, sa qualification ou sa fonction. Bref, on le chosifie et certains vont encore plus loin en parlant de « machin chose » ! D’autres, plus portés sur la poésie probablement, parleront de « machinchouette ». Il n’en demeure pas moins que ce n’est guère flatteur, n’est-ce pas ? Et même carrément péjoratif. Notons que ce pantonyme a cependant eut son heure de gloire avec le Général de Gaule lorsqu’en septembre 1960, à Nantes, il désigna l’ONU par « le machin » !
Certains pantonymes sont en effet très pratiques pour manifester un mouvement d’humeur. Imaginez que vous présentiez un projet dans lequel vous vous êtes investi et que votre collègue vous marmonne : « Mais c’est quoi ce truc ? ». Vous comprendrez avec aisance qu’il ne l’appréhende pas avec le même enthousiasme.
D’autres ont toutefois une nature plus joyeuse. Ainsi, lorsque l’on s’exclame : « Tu te souviens de ce truc délicieux qu’on a mangé hier ? », c’est tout simplement que l’on ne se souvient plus du nom de ce plat qui a fait se trémousser nos papilles. Mais on en garde un souvenir ému et délectable sans aucune intention d’en amoindrir la qualité.
De même, si une personne veut vous relater – mais sans rien en dire cependant – les prouesses sexuelles accomplies avec une autre personne, elle se contentera de vous confier : « On a fait de ces trucs…. ». Cette formulation toute en finesse devient alors une forme d’ellipse qui présente l’avantage non négligeable de sauvegarder votre pudeur tout en laissant libre cours à votre imagination.
De vastes étendues…
Le champ lexical de la pantonymie est large et tend à s’appliquer aux noms propres. Par exemple, on le retrouve souvent en géographie comme Trifouilly-les-Oies, ce lointain village de la France rurale que d’aucuns situent près de Trifoully-les-Castagnettes, plus exotique toutefois. Tout comme Pétaouchnock qui, semble-t-il, est encore plus éloigné. Un autre pantonyme désigne alors le moment où on y parviendra : la Saint Glinglin, c’est-à-dire jamais, un peu comme le 36 du mois, à croire que ces deux dates coïncident totalement !
Nos publicitaires ne sont pas en reste. Quand ils évoquent la « ménagère de moins de 50 ans », on peut sérieusement se demander s’ils n’usent pas alors d’une pantonymie. Raison de plus pour se méfier de ce qu’ils proposent….
Quelques figures de style qui tournent autour.
L’éponymie, très classique, consiste à donner à un objet (ou une « chose », si on préfère !) le nom d’une personne qui devient dès lors un nom commun. Il en ainsi de la guillotine du nom de son inventeur, le brave docteur Joseph Ignace Guillotin, de la poubelle en hommage à Eugène Poubelle, préfet de la Seine sous la IIIème République et féru de l’enlèvement des ordures ménagères ou bien du Larousse par référence à Pierre Larousse, auteur du « Grand dictionnaire universel du XIXe siècle ».
La méronymie désigne une relation toute sémantique entre deux mots, l’un désignant une « partie » et l’autre un « tout ». Par exemple, le « toit » est le méronyme de la « maison » : il en est un élément parmi d’autres et dire « J’ai un toit » montre que l’on ne vit pas dehors ; Et nous trouvons évidemment son contraire, l’holonymie qui désigne un ensemble comprenant un autre mot. La « maison » devient donc l’holonyme de « toit »
Enfin, nous trouvons la rétronymie où – et en général, du fait d’une avancée technologique – un mot nouveau ou bien une expression nouvelle est créé(e) pour désigner un objet ou un concept qui a évolué. Par exemple, le mot « courrier » s’est différencié en courrier papier et courrier électronique tout comme « adresse » se distingue désormais entre adresse postale et adresse Internet ou encore le « potable » différencié entre ordinateur portable et téléphone portable.
Cela évite de faire une confusion où l’utilisation d’un terme générique pourrait faire croire à autre chose que ce que l’on désigne. Il n’est pas moins vrai que la pantonymie conserve d’indéniables atouts et si vous désirez disposer de tous les bidules utiles à une activité donnée, il vous suffit de connaitre les « trucs et astuces » qui s’y rapportent !
N’oublions pas enfin le philosophe autrichien Wittgenstein qui, fort certainement, était un ennemi farouche des pantonymes puisqu’il concluait son ouvrage « Tractatus logico-philosophicus » par ces mots terribles : « Tout ce qui peut être dit peut être dit clairement, et sur ce dont on ne peut parler, il faut le taire ».
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