Apo… quoi ? L’apocope, figure de style qui s’est tranquillement imposée dans notre langage et tend à l’envahir.
Quand à cause de la météo, on prend le métro, et qu’entre les pubs du journal, on découvre certaines infos, on se demande si elles ne sont pas de l’intox. Que s’est-il passé ? En même pas deux lignes, on a créé 5 apocopes !
C’est supprimer des lettres ou des syllabes à la fin d’un mot, comme si, dans notre époque marquée par le culte de la vitesse, il fallait abréger même les mots pour gagner du temps !
Comment tuer la fin d’un mot ?
Certaines sont parfois devenues des mots à part entière tandis que d’autres stagnent encore dans un langage considéré comme familier ou sont utilisées parce qu’elles sont à la mode et font « jeunes » ou « branchées » (sans être pour autant toujours élégantes).
Ainsi, on utilise couramment « maths » ou « dermato » pour mathématiques ou dermatologue, « foot » et « alu » pour football et aluminium, « photo » ou « pneu » pour photographie ou pneumatique, etc. Et plus personne aujourd’hui ne parle de motocyclette, de vélocipède ou de métropolitain !
En revanche, «prof » ou « sympa », courants dans le langage familier, ne font pas bon genre dans un texte qui se veut littéraire. Quant à « coloc », on ne peut pas dire qu’il brille par son raffinement.
Il est curieux de constater que certaines terminaisons ne sont guères appréciées, celles en « ation » par exemple. Songeons à exportation, transformation, climatisation, information, négociation, application…
A l’origine, l’apocope était surtout utilisée avec la suppression du « e » final de certains mots, en particulier le « encor » de la poésie permettant d’atteindre l’exactitude du nombre de vers ou bien afin d’imprimer un rythme spécifique. Les surréalistes l’ont ainsi beaucoup utilisé dans un esprit de déconstruction de la langue.
Très fréquente à l’oral, elle peut devenir un mécanisme de création de mots nouveaux et de néologismes comme les quelques exemples données ci-dessus le montrent. A l’écrit, elle sert surtout à mimer la langue orale, en particulier dans les dialogues, afin de donner un ton résolument réaliste.
Diverses apocopes
Il en existe plusieurs sortes.
L’apocope dite intégrée car elle est entrée pleinement dans le langage courant. Par exemple, « ciné » ou « cinéma » pour cinématographe, « vélo » pour vélocipède, « salon de l’auto » et non de l’automobile, etc. On se voit mal utiliser le terme qui leur a donné naissance. Certaines apocopes peuvent d’ailleurs renvoyer à plusieurs significations que l’on saisira selon le contexte. Ainsi de « radio » qui peut désigner la radiodiffusion, la radiophonie ou une radiographie.
Pour les mots dont l’origine est grecque, voire latine, et se terminant par « o », dès lors qu’ils sont facilement compréhensibles et ne se confondent pas avec un autre mot, peuvent facilement être apocopés : gynéco, philo, géo, bio ou gastro en sont des illustrations.
L’apocope dite populaire est moins raffinée et s’acoquine parfois avec de l’argot. Par exemple, le déj’, le beauf’, la cata, le restau, le bénèf, la mob, l’aprèm’ ou le champ’. etc
Les noms propres ont aussi leur apocope comme le Luco (le Luxembourg) ou le Troca (le Trocadéro), voire une double apocope : le Vel’d’hiv (Vélodrome d’hiver) ou le Boul’Mich’ (Boulevard Saint-Michel). Les prénoms ne sont pas en reste comme Fred (Frédéric ou Frédérique ), Seb (Sébastien), Théo (Théophile) ou Alex (Alexandre). Clo est plus ambigüe : s’agit-il de Chloé ou de Clotilde ?
D’autres raccourcissements
Cependant, dans le phénomène de raccourcissement des mots, il existe encore deux autres figures. Si l’apocope est dominante, s’appliquant à la fin du mot, son opposé est l’aphérèse qui, elle, fait disparaitre le début d’un mot. Et enfin, il y a la syncope qui atténue ou supprime un ou plusieurs phonèmes à l’intérieur même du mot.
L’aphérèse est peu courante. Nous la retrouvons dans l’argot ou le langage populaire. Par exemple : « ricain » au lieu d’américain ou « blème » pour problème. Elle s’illustre surtout avec le mot « bus » qui est une aphérèse d’autobus ou d’omnibus ou « car » (autocar). Elle peut parfois intervenir dans les prénoms : Bastien pour Sébastien (de nouveau !) ou Toine pour Antoine. On peut également la retrouver dans des noms propres. Ainsi, parler du Burkina au lieu de Burkina Faso est une aphérèse.
La syncope répond à un registre encore plus restreint et on mentionne souvent comme exemple « M’sieur » pour Monsieur ou « P’tit » pour petit. Là aussi, en l’utilisant à l’écrit, on cherche à rendre le rythme et la forme de la langue parlée.
En résumé, si nous prenons une phrase aussi simple que « Seb et Toine ont pris l’auto de M’man plutôt que le bus», nous retrouvons successivement une apocope, une aphérèse, une apocope, une syncope, et une aphérèse.
Et lorsque par paresse langagière, un journaliste vous annonce « Après une page de pub, les infos suivies de la météo », sachez qu’il vous offre, (sans peut être le savoir !) trois apocopes d’un coup.
En revanche, on n’a pas encore créé d’apo, qui serait une apocope d’apocope !
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