Noël et ses airs de fête, Noël et ses cadeaux, Noël et ses retrouvailles familiales mais aussi Noël et ses tristes solitudes de ceux qui restent dehors….
Chaque année, nombreux sont ceux qui fustigent le côté mercantile de Noël mais chaque année également, les journalistes énoncent le montant moyen que chacun va débourser en insistant et en « analysant » sur le plus ou le moins par rapport à l’année précédente.
Mais c’est quoi Noël ? Comment lui donner un sens qui nous convienne ?
Ce que Noël pourrait véhiculer
Bien sur, le 25 décembre est une date « artificielle ». On a beau jeu de rappeller que cette date était celle où on célébrait, dans l’Empire Romain, sous Aurélien notamment, le Sol Invictus (« Soleil invaincu ») pour marquer le solstice d’hiver. Il a été dit que les chrétiens imitèrent ce culte et finirent par imposer en ses lieux et place la célébration de la naissance du Christ. Ce denier est-il vraiment né un 25 décembre à minuit ? Laissons là ces controverses dont l’intérêt est très limité et gardons à l’esprit le symbole que Noël représente pour des millions de personnes depuis un peu plus de 2 000 ans.
Allons plus loin encore. Que l’on croit ou que l’on ne croit pas au Christ, la seule chose qui compte est de se remémorer le message qu’il a laissé et les principes essentiels de son enseignement.
Si on voulait synthétiser cet enseignement, on pourrait dégager quatre points principaux (c’est une synthèse très succincte avec tout ce que cela comporte d’incomplet et d’arbitraire) :
1/ Tout être humain a sa valeur et aucun n’est méprisable. Nous en avons une magnifique illustration avec la parabole du la femme adultère.
2/ Dieu est amour. Cela rompt avec les conceptions antérieures du dieu jaloux et vengeur. Dieu devient désormais amour, lumière, miséricorde et compassion infinie.
4/ L’amour doit être au centre de nos actions et de nos pensées. Une phrase pourrait tout résumer : « Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Cette demande, ramenée à notre condition d’hommes, consiste alors à distribuer autour de nous le plus d’amour possible. C’est là notre « mission », aussi magique à espérer que difficile à expérimenter.
3/ La vie terrestre n’est qu’une étape. Et la mort n’est qu’un passage, comme le fut notre naissance. Une vie future de paix et d’amour nous est promise.
Les cadeaux que l‘on s’offre à Noël pourraient symboliser à merveille cet enseignement : par amour de toi, je t’offre tel présent dont je sais qu’il va te donner de la joie. C’est ce que la plupart des parents font avec leurs enfants et le regard d’émerveillement de ceux-ci est un « cadeau en retour » magnifique. Hélas, devenu adulte, le cadeau est devenu une sorte de rituel, d’obligation et de dépenses. Pour certains, sa valeur ne dépend plus de l’intention de celui qui donne mais de sa qualité ou de sa quantité. On est passé de l’esprit à la matière et ce faisant, on a désacralisé cet instant unique de rapprochement des cœurs. Au lieu de s’élever vers une lumière éclatante, on s’est abaissé vers des objets périssables.
Un Noël pas comme les autres….
Pour illustrer ces propos, une histoire qui est aussi un très beau symbole. Une histoire qui en soi est extraordinaire et illustre ce rapprochement des cœurs. C’était il y a 100 ans.
Nous sommes en 1914, au sud d’Ypres, ville belge située en région flamande et venant de faire l’objet de batailles particulièrement sanglantes. Les conditions de vie dans les tranchées sont abominables. Le froid rigoureux de l’hiver augmenté de la pluie qui inonde tout est déjà insupportable. Si on y ajoute la souffrance des blessures, le côtoiement des cadavres, l’odeur du sang, de la mort, de la peur, comment peut-on vivre cela quand on a à peine 20 ans ? De chaque côté, amis ou ennemis, c’est le même enfer hallucinant et inconcevable qu’aucun démiurge fou n’aurait imaginé… D’un côté, des restes d’unité britanniques, de l’autre des troupes allemandes. Vu du ciel, des pauvres gamins qui luttent à mort dans ce cloaque délirant. Toute tête qui ose dépasser est traversée aussitôt par une balle.
Et cependant, entre les deux « lignes », existe une zone de quelques dizaines de mètres. Le prix de ces mètres, ce sont des vies humaines déchiquetées. Mais en même temps, cette faible distance fait qu’il n’y a pas « d’intimité ». Si on ne se voit pas, on s’entend. On entend les cris et les gémissements, on entend les ordres et les jurons, on entend sans doute aussi (souhaitons-le…) quelques plaisanteries, quelques chants ou quelques rires. Parfois, c’est même une odeur de cuisine qui s’échappe. Tout cela, finalement, est propre à créer une proximité qui pourrait être fraternelle si d’autres impératifs meurtriers ne venaient y déverser un démenti cruel.
C’est alors que quelque chose d’inouïe survient. Sur le sommet des tranchées allemandes, des sapins de Noël apparaissent, éclairés par des bougies puis des chants surgissent des tranchées, de chaque côté du front. Des paroles sont échangées et des soldats allemands s’avancent au milieu de ce no man’s land de quelques dizaines de mètres et appellent leur « frères d’armes » Britanniques à venir les rejoindre. Certains sortent des tranchées pour récupérer leurs morts sans que des coups de feu ne soient échangés. En certains points du front, il y a des échanges de petits présents. Entre les diverses troupes belligérantes, des cessez-le-feu non officiels ont lieu pendant le temps de Noël. Ils sont brefs mais ils existent.
Une goutte dans l’océan
Le plus extraordinaire, dans cette région d’Ypres, c’est cette rencontre des deux camps où, sur un territoire ravagé par les obus, sont échangées des paroles et des cadeaux et mieux encore, une partie de football est disputée. Voilà qui symbolise ce que peut être Noël : au-delà des divergences, des affrontements, des déchirements, des hommes décident de s’unir pour célébrer un instant de paix. Comment mettre un peu de lumière sur ce qui n’est qu’un théâtre de l’horreur. Bien sur, cela n’a pas empêché la poursuite ultérieure des combats et « l’ami » d’un soir a peut être été, le lendemain, un meurtrier ou un cadavre de plus.
Pas d’angélisme, certes, mais juste souligner qu’en dépit des atrocités sanguinolentes commises de part et d’autre, les cœurs se sont soudainement élevées plus haut que ce qu’auraient pu imaginer (ou craindre) les Etats-majors pour décider d’une fraternisation volontaire.
Bien sur, il n’y eut pas de trêve sur toutes les lignes du front ; bien su,r ces trêves, lorsqu’elles furent connues, donnèrent lieu à une répression féroce. Il n’en demeure pas moins qu’en tant que symbole, ces trêves de Noël, au milieu d’un conflit entrainant dans ses décombres tant de nations, ont une immense valeur : celle d’un oubli des intérêts immédiats et matériels pour célébrer ensemble un instant où les cœurs se rejoignent.
On peut considérer qu’on est bien loin des enseignements du Christ sur l’amour à s’offrir les uns les autres. Envisageons cela sous un autre angle et retenons ce moment magique où les haines cessent, cet instant quasi miraculeux où une fraternité sincère et authentique remplace des instincts de mort. C’est à ce moment là qu‘en réalité, le message christique redevient vivant.
Et dans nos vies quotidiennes d’aujourd’hui, c’est aussi le moment de voir l’autre comme un être avec lequel une fraternisation est possible. C’est le moment de donner une lumière à ceux qui restent dehors. Ceux-ci sont souvent très proches de nous. Dans certains cas, ils sont des amis, des connaissances ou membres de notre famille qu’une lourde solitude tient éloigné de ces réjouissances ou dont l’âge a transformé peu à peu l’existence en un enfermement sur soi, loin des autres, loin de toute chaleur humaine, et plus encore un soir de Noël, à l’écart d’une fête dont on ne peut percevoir les échos que de loin. Une fraternisation peut être une main que l’on tend, une présence que l’on offre, un cœur qui écoute, une lumière qui réchauffe.
C’est l’illustration de cette si belle phrase de Mère Térésa : « Nous savons bien que ce que nous faisons n’est qu’une goutte dans l’océan. Mais si cette goutte n’était pas dans l’océan, elle manquerait. »
En cette période de Noël, au-delà des cadeaux matériels, il devient essentiel de s’interroger sur cette goutte que l’on pourrait déverser pour que l’océan existe pleinement. C’est probablement le cadeau qui a le plus de valeur et c’est sans doute ainsi que Noël acquiert du sens et retrouve sa véritable lumière.
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