Comme chaque année, celle qui débute est auréolée de vœux. Qu’elle soit considérée comme une corvée ou appréciée pour la proximité qu’elle permet, la tradition perdure.
Mais que souhaitons-nous aux autres ? Ces vœux sont-ils juste une marque de politesse ou avons-nous l’espérance secrète qu’ils se réalisent ? Dans ce dernier cas, comment peuvent-ils devenir une réalité ?
Des vœux de paix
Parmi les vœux que nous adressons, il en est de différentes sortes. Il y a ceux que nous nous faisons à nous-mêmes, « bonnes » résolutions que nous tiendrons un peu, beaucoup ou…pas du tout ! Et ceux que nous adressons aux autres, qu’il s’agisse de relations professionnelles, de personnes dont nous souhaitons maintenir ou renouer le contact ou de personnes qui nous sont proches.
Si nous fustigeons souvent ceux de pure convenance, nous avons cependant toute latitude pour en adresser qui aient du sens et ils n’en acquièrent qu’autant qu’ils viennent du cœur. Nous pourrions d’ailleurs établir une classification – très sommaire, il est vrai – où nous retrouvons les vœux de bonne santé, ceux de prospérité et de bonheur, ceux d’accomplissement de nos rêves et projets et ceux de paix. Qu’est-ce qu’un vœu ? C’est un souhait que quelque chose que nous désirons ardemment puisse se réaliser réellement et quitte donc la sphère du possible pour entrer dans celle d’une réalité palpable, tangible, vivante.
Les vœux de paix ne se limitent d’ailleurs pas à la seule nouvelle année, tant il est vrai que notre belle planète bleue, perdue dans l’immensité du cosmos, est quotidiennement esquintée, ensanglantée et endeuillée par des conflits qui, du point de vue de Sirius, sont une absurdité. Il n’en demeure pas moins que les souffrances qu’ils véhiculent appellent nos souhaits d’une paix durable entre les nations, entre les peuples, entre les personnes.
La paix mondiale est régulièrement réclamée. Elle est par exemple l’un des objectifs primordiaux de l’unité européenne, tel que cela figure dans la déclaration Schuman du 9 mai 1950. Ou bien, depuis 1968, a été instauré par le Pape Paul VI (et sur l’initiative de Raoul Follereau), une journée mondiale de la paix, célébrée chaque 1er janvier. Elle fait également fait, grâce aux Nations Unies et depuis 1981, l’objet d’une journée internationale chaque 21 septembre aux fins d’obtenir un cessez-le-feu dans les zones de combat.
Une paix irréelle ?
L’une des grandes problématiques est de bien déterminer ce que l’on vise. Nombreux sont ceux qui aspirent à la paix dans le monde. Des êtres inspirés, grandes figures de l’Humanité, l’ont appelé de toutes leurs forces et ont exhorté les gens à la mettre en œuvre et à la vivre. Hélas, force est de constater que ces vœux n’ont été que très partiellement respectés. Aujourd’hui encore, nombreux sont ceux qui la demandent, la réclament et malheureusement en restent là.
Héraclite d’Ephèse, dès la fin du VIe siècle avant notre ère, se lamentait de ce funeste travers de l’humanité à se contorsionner dans une violence récurrente. Mais il nous avait prévenus que chaque chose vit en harmonie avec son contraire, qu’elle est un assemblage en constant mouvement de forces opposées. La paix obéit au même processus.
Peut-on croire que, s’il n’y avait plus ni guerre ni conflit, la paix existerait ? Ne peut-on pas plutôt considérer que, lorsque l’on est en présence de deux forces opposées, il est préférable d’accroitre l’une d’elle autant que faire se peut plutôt que d’user ses forces à vouloir détruire l’autre ? L’harmonie n’est-elle pas davantage réalisable en cherchant un équilibre satisfaisant des forces ? Conceptuellement, il apparait préférable de vouloir l’annihilation de celle que l’on considère comme négative. Mais concrètement, est-ce seulement possible ? La réponse à ces questions repositionne l’attitude à adopter.
Aussi, vouloir la paix partout dans le monde semble s’apparenter davantage à une posture idéologique qu’à une réalité. Malgré la beauté de la valeur qui la sous-tend, malgré la qualité des aspirations qu’elle fait naitre, malgré la pureté des sentiments qui l’animent, elle est souvent ce que l’on appelle un vœu pieux, expression désignant un souhait qui n’est pas réalisable. Cela ne signifie nullement qu’il faut rester un spectateur passif. Cela implique plutôt de faire ce qui est réalisable et d’accomplir ce qui est à notre portée.
Il se trouve que le pape François a donné une inflexion différente, ramenant ces idéaux vers davantage de réalisme. Tout d’abord, et à l’instar de ses prédécesseurs, il a appelé à plus de fraternité, rappelant que cette valeur découle des enseignements du Christ et occupe, dans le christianisme, une place centrale. Il a donc, lors de la Journée mondiale de la paix du 1er janvier 2014, insisté sur la nécessité de cette valeur comme « fondement et route pour la paix ». La fraternité vise ce lien de solidarité qui vise à l’unification : chacun est uni en tant que membre d’un même groupe, qu’il s’agisse d’une famille ou d’une organisation partageant le même idéal.
L’idée est de rassembler plusieurs « moi » pour, sans supprimer les individualités mais en gommant les égos, en faire un « nous ». Ce « nous », en tant que groupement lié par une même visée, peut effectivement se mettre en route pour instaurer une paix là où il vit.
La tendresse au niveau mondial
Très récemment, le jeudi 25 décembre 2014 précisément, à l’occasion de la célébration de la fête de Noël, le pape François, après avoir demandé de réagir aux conflits par « la douceur » et reprenant donc à cet égard les multiples appels du Dalaï Lama, a eut cette magnifique exclamation. « Comme le monde a besoin de tendresse aujourd’hui ! ». Que cela est joliment dit ! La tendresse, cette douceur exquise, synonyme de chaleur, de gentillesse, d’attention à l’autre, de gestes délicats et qui se caractérise surtout par l’absence totale de tout sentiment négatif.
Habituellement réservée à la sphère privée, voilà qu’elle est étendue au monde. Il fallait oser le dire ! Ce ne sont pas des mots que les politiques emploient habituellement. Et effectivement, si chacun décidait de mettre en œuvre, autour de lui, un peu de tendresse, comme le monde se porterait mieux ! La très belle prière de Saint François d’Assise débute d’ailleurs ainsi : « Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix ».
Certes, cela n’empêchera jamais que divers foyers de haines et de violences aveugles continuent d’exister mais si la tendresse pouvait se déployer et se propager peu à peu, doucement et tranquillement de par le monde, il est évident que nous en ressentirions les effets positifs et notre belle planète bleue ne s’en porterait que mieux. Combien de rapports humains seraient ainsi apaisés, combien de conflits pourraient être résolus, combien de lumières pourrions-nous faire briller dans nos cœurs et dans nos vies ?
Prêcher la paix dans le monde, c’est beau, c’est élevé et puissant et certainement nécessaire. Mais c’est hélas trop idéel, trop abstrait probablement. Il n’est pas question ici de désespérer de l’humanité et de considérer qu’un monde apaisé est impossible mais juste de prendre conscience qu’au fil des siècles, ce vœu a une terrible tendance à ne demeurer qu’un vœu et à ne pas se concrétiser.
Voyons cela à l’aune de nos vies. Que feriez-vous si vous deviez donner de la paix ? Concrètement, quelles actions accompliriez-vous si vous étiez nommés ambassadeur de la paix ? Vous trouveriez sans doute, après réflexion, la meilleure marche à suivre mais décider de pratiquer la tendresse, n’est pas plus simple, plus évident, plus facile à mettre en œuvre et finalement, plus accessible et plus réaliste ?
Du fait de l’absence de tout sentiment négatif, la tendresse est un élément important de l’amour ; elle est une bienveillance, une attention douce et chaleureuse à l’autre. A ce titre, elle participe complètement au message du Christ de s’aimer les uns les autres mais sans doute est-elle plus accessible à nombre d’entre nous. A ce titre également, elle est une étape majeure dans le déploiement de cet apaisement que nous souhaitons pour l’ensemble de l’humanité.
Une tendresse en action
Notre salut viendra donc des ce que nous saurons faire, de ce que nous voudrons faire, de cette tendresse que nous pouvons créer et rependre autour de nous, comme une onde apaisante et réconfortante. Dans notre sphère privée, tout autour de nous, elle permet de s’adoucir, de mettre en sourdine nos agacements, colères et rancunes pour se diriger vers des relations calmes, respectueuses et aimantes. Pourquoi ne pas commencer dès aujourd’hui ?
Elle est déconnectée des différentes formes de la satisfaction de la sensualité, même si en relation intime elle entoure le désir et le complète harmonieusement. Mais cette déconnexion fait qu’elle peut s’exprimer envers quiconque. En réalité, elle signe une présence : présence à l’autre, reconnaissance de l’autre, tout à l’opposé du mépris, de l’indifférence ou du rejet. En tant qu’accueil, il ne lui est donc pas possible de se feindre; elle implique une totale congruence. A défaut, elle s’apparenterait aussitôt à une stratégie séductrice et/ou manipulatrice.
Et enfin, elle est éphémère dans sa manifestation, ce qui lui confère toute sa valeur. Si elle se trouve « engluée » dans la permanence, elle change alors de nature. De cadeau inestimable de douceur d’un instant, elle se mute alors en une sorte d’envahissement; elle devient « collante » et particulièrement pénible, donnant l’impression d’un harcèlement, d’une immixtion insupportable dans notre intimité. La tendresse embellit la relation mais se garde de toute confusion ; elle conserve une pudeur qui permet une distance adéquate : trop proche, elle est envahissante et aliénante, trop lointaine et elle disparait.
Il ne s’agit pas d’être un altruiste de tous les instants ; ce n’est pas possible et si ça l’était, ce serait intenable (pour soi et pour l’autre). Donner de la tendresse, c’est comme offrir à l’autre une prévenance au moment où il ne s’y attend pas ; l’émotion n’en est que plus délectable.
C’est un échange lors d’une rencontre et c’est ce que signifie son éphémérité. Je veux prendre ainsi l’exhortation du pape François : offrir ces instants de rencontre vraie qui donnent ce surcroît de bonheur et font diminuer d’autant toute forme d’agressivité. C’est probablement ainsi que peut se dessiner un chemin réel vers la paix. Et si l’on veut y mettre une forme plus lyrique ou même emphatique, ajoutons qu’elle autoriserait alors une aube nouvelle à se lever pour nous dispenser une lumière ô combien chaleureuse et salvatrice !
Plus modestement et de manière pragmatique, mes vœux pour 2015 reprennent dès lors la même invite : que chacun d’entre vous reçoive et dispense de la tendresse, tout au long de cette année. C’est le meilleur que je puisse vous souhaiter, pour vous et pour tous ceux qui vous entourent.
Avant de quitter 2014, rappelons-nous une phrase magique et réaliste de Mère Térésa qui illustre à merveille tout cela : « Que pouvez-vous faire pour promouvoir la paix dans le monde? Rentrez chez vous et aimez votre famille! »
Belle nouvelle année à chacun et chacune, emplie de lumière.
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