La vie est comme un chemin qui doit nous mener à notre essentiel.
Il appartient à chacun de prendre celui qui lui correspond le mieux, de cheminer à la cadence qui lui convient et même, parfois, de s’arrêter ou de vouloir brûler les étapes ou faire demi-tour.
Mais, alors que fleurissent partout les définitions du bonheur et les « méthodes » d’y accéder, il est vrai qu’une vie ne se réussit et ne permet un plein épanouissement de l’être qu’autant que nous avons pris le soin de déterminer cet essentiel, d’en dessiner les contours et d’avoir orienté notre cœur, nos pensées et nos actions vers lui.
Des questions pour grandir
Ce chemin est porteur de multiples questions. C’est bien ce qui lui donne tout son sel. Une ligne droite, parfaitement tracée, serait comme une insulte à notre intelligence, nous empêchant d’aller puiser tout en nous de quoi bâtir une œuvre de qualité.
Nous entendons souvent dire qu’une vie n’acquiert son sens que si nous lui avons donné un but, un objectif. Cela est vrai. Il est juste à remarquer que bien souvent, cet objectif prend le risque d’être marqué par la matérialité avec une trop grande exclusivité. Or, si la matière a sa part de nécessité, pouvons réellement définir notre sens de la vie par les objets que nous possédons, par le métier que nous exerçons, par les personnes que nous fréquentons ? Tout cela ne devrait-il pas plutôt être considéré non comme une fin mais comme des moyens divers pour se diriger vers cet essentiel ?
Tout cela conserve-t-il son intérêt s’il ne permet de nourrir régulièrement notre valeur la plus importante ? Et, en définitive, notre objectif de vie ne se confond-il pas avec cette valeur ultime qui nous guide ? Il est intéressant d’ailleurs de noter que le mot « sens » désigne autant la signification que la direction.
Nous entendons également dire que ce n’est pas la destination vers laquelle nous nous dirigeons mais la route qui compte. Cela est vrai aussi. Sous réserve que le chemin que nous empruntons soit celui permettant de se rendre à cette destination. Sous réserve que ce chemin soit bien celui que nous avons décidé en conscience d’emprunter. En conscience, pleine conscience.
A défaut, nous risquerions de prendre une route qui nous mène certes plus loin mais peut-être nulle part. S’agissant de notre existence, nous risquons alors de nous arrêter sur le bas-côté dans une amère désillusion, reprochant à la vie de n’avoir pas tenue les promesses qu’elle nous avait faite (ou que nous supposions qu’elle nous avait faite).
Parfois, on entend même dire que le but est le chemin lui-même. Le moyen devient donc une fin et cela, souvent au nom d’une étrange obligation de ne vivre que ce qui se vit maintenant. Cette manière de voir est passablement irréelle et contient un immense péril : celui de nous faire tourner en rond sans jamais savoir pourquoi et ainsi de manquer l’ultime destination pour laquelle nous sommes ici. Cette conception contient une grande part de dangerosité et de stérilité.
Ces propositions sont marquées par le dualisme, comme s’il y avait d’un côté les partisans du but ultime à atteindre et de l’autre, les tenants du « bon » chemin à prendre. Parlant du bonheur, Nietzsche exprimait ce dualisme de manière lapidaire : « Formule de mon bonheur : un « oui », un « non », une ligne droite, un but ». Si, pour le bonheur, cela peut se concevoir, ça peut cependant paraitre un peu rigide ou même irréaliste s’agissant de l’essentiel vers lequel notre vie doit nous diriger (ou, plutôt, vers lequel nous voulons diriger notre vie).
Donner la primauté au but ou au chemin, à la fin ou au moyen, est-ce ainsi qu’il faut envisager les choses ? Ceux qui ont pris le temps de réfléchir sagement et posément savent bien que les deux conceptions vont de pair et se nourrissent l’un de l’autre ; elles ne s’opposent pas, elles s’enrichissent mutuellement. On évite ainsi le risque de dépenser une trop grande énergie pour atteindre un but sans avoir pris de temps suffisant pour se questionner : est-ce là que je veux vraiment arriver ? Est-ce pour moi aujourd’hui, en fonction de ce que je sais et de ce que je suis, le meilleur chemin à prendre ? Et on évite d’avancer en aveugle sans savoir où tout cela nous mènera in fine.
Vers son accomplissement
Lorsque l’on est habité profondément par les réponses que nous donnons nous-mêmes à ces questions, il devient alors plus aisé de se relever quand nous trébuchons ou de se réorienter lorsque la belle ligne droite que nous imaginions se termine en cul-de sac. Cela permet de prendre conscience que rien n’est linéaire et que tout, même un chemin, est soumis à la loi de l’impermanence.
Il est des instants où ce chemin est simple, agréable, facile et lumineux ; c’est alors que l’on peut lever la tête et laisser son regard cueillir tout ce qui est source de beauté et d’épanouissement. Et il en est d’autres où il est escarpé, semé d’embuches, épineux et éreintant, à telle enseigne que l’on éprouve la tentation de l’abandonner, d’en essayer un autre ou de s’arrêter, épuisé, sans vouloir bouger davantage, sans plus croire qu’il mène quelque part. C’est dans ces instants qu’il faut plonger tout au fond de soi pour chercher l’étincelle.
Et, tout au long, dans une alternance entre découverte de l’altérité et rencontre avec soi-même, la route peu à peu prend les couleurs de nos valeurs. Aller vers soi permet d’aller vers l’autre et réciproquement, dans un aller-retour dont la qualité dépend des enrichissements de chaque « passage ». Mais il est des cas, hélas, où cela se traduit aussi par un appauvrissement. Notre liberté est alors de pouvoir décider comment nous appréhendons cet appauvrissement : doit-il remettre en cause notre cheminement, totalement ou partiellement ? Ou peut-on, à la manière d’un alchimiste, opérer une transformation lumineuse et donner un nouvel éclat au chemin que nous avons choisi ?
Les chemins que nous décidons d’emprunter dans notre vie (pour notre vie) sont ceux où nous pouvons réaliser notre expérience humaine. Nous tous avons une expérience à réaliser : qu’elle est-elle et pourquoi faire ? De quoi sommes-nous porteur ? C’est là notre unicité.
Nous ne pouvons pleinement la réaliser que si nous prenons conscience que nous sommes une âme venue ici, sur cette planète, en cet endroit et à cet instant donné, pour réaliser cette expérience de notre condition d’humain. C’est là notre universalité.
Nous sommes tous la partie et le tout. C’est ce qui rend chaque chemin spécifique dans sa convergence vers quelque chose d’à la fois unique et universel.
Bonne et lumineuse route à chacun !
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