Le rapport affectif peut-être source d’épanouissement et de bonheur. Hélas, il peut aussi être la cause de beaucoup de souffrances et d’anxiétés.
Quand vous vous sentez perdu sans l’autre ou s’il vous manque dès qu’il s’absente, quand vous ne refusez jamais ce qu’il vous demande et en arrivez à tout lui pardonner, même ses injustices ou ses duretés, au nom de votre amour (et par crainte, en fait, que la relation ne cesse), alors vous êtes peut être dans ce que l’on appelle la dépendance affective. Il ne peut être question ici d’en aborder tous les contours, juste de souligner certains points.
S’aimer soi-même
Le manque de confiance en soi et le manque d’amour pour soi en sont des causes majeures. Il est alors essentiel d’apprendre à se respecter, à s’aimer soi-même et à retrouver de l’estime de soi. Il s’agit de trouver une liberté qui permet d’oser être soi-même.
Nous retrouvons un schéma analogue chez les personnes acceptant une relation qui leur est toxique mais affirmant que leur amour pour leur partenaire changera celui-ci . Quand nous observons tout cela, nous ne pouvons que nous interroger : n’est-ce pas de la folie que de demander à d’autres le bonheur que nous ne savons pas ou ne pouvons pas nous donner à nous-mêmes ? N’est-ce pas pure illusion que de s’imaginer le pouvoir de changer quelqu’un ? Une fois de plus revient la distinction majeure de ce qui dépend ou pas de soi. « Le vrai bonheur ne dépend d’aucun être, d’aucun objet extérieur. Il ne dépend que de nous. » dit le Dalaï Lama
Pour vivre une relation épanouie et heureuse, il ne faut pas placer toutes les conditions de son bonheur dans son/sa partenaire. Ce serait détruire les conditions de sa propre liberté et tout attendre de l’autre. Ce serait donc faire dépendre son propre bonheur de ce qui est extérieur à soi.
Evidemment, dans une relation affective, d’amour ou d’amitié, nous attendons que l’autre contribue à notre bonheur et cela est normal. Là où ça ne l’est plus, c’est lorsque nous attendons beaucoup, voire trop ou…. tout ! Savoir où placer le curseur, voilà qui est délicat ! Un indice cependant qui a toute son utilité, c’est de se demander : « Suis-je heureux dans cette relation ? ». Attention cependant à ne pas mélanger cette interrogation avec : « j’ai peur de le/la perdre ». Il est également essentiel de savoir quelle émotion ou sensation cette relation apporte majoritairement : de la joie, du plaisir, de la satisfaction, du contentement ? Ou bien de la tristesse, de la peur, de l’inquiétude, de l’abattement, de l’agacement, de la colère ?
Amour inconditionnel….jusqu’où ?
Beaucoup de personnes estiment qu’il existe deux sortes d’amour : l’amour conditionnel souvent fustigé comme étant un amour qui prend sans donner et surtout qui n’existe que sous condition que l’autre soit ceci ou fasse cela. Il ne serait plus de l’amour mais une demande que l’autre se conforme à ce que l’on désire soi-même. En conséquence est prôné l’amour inconditionnel dans lequel on aime non seulement les qualités de l’autre mais aussi ses défauts. On ne cherche pas à changer l’autre, on l’accepte tel qu’il est. Il arrive même que l’on n’attende rien en retour. En théorie, c’est un amour beau et pur. En théorie.
Il existe une situation où cette forme d’amour est juste et épanouissante : l’amour porté par un parent à son enfant qui peut ainsi se construire. Entre deux adultes, ce n’est plus le cas car il y a un déséquilibre qui peut devenir source de grande souffrance.
Cela aussi traduit un manque d’amour et d’estime de soi mais le « camoufle » sous une forme morale, altruiste, désintéressée. La pureté revendiquée est bien souvent un leurre pour cacher aux autres et à soi-même sa propre difficulté à s’accepter tel que l’on est. En se drapant dans cette vertu, on risque de se désigner comme victime consentante d’un prédateur. Ce n’est plus de l’amour, c’est une abnégation pouvant être particulièrement destructrice lorsque l’on en vient à accepter l’inacceptable. On mélange amour désintéressé de l’autre et irrespect de soi-même. Meilleur moyen de se laisser détruire tout en continuant de revendiquer une vertu altruiste.
A cela s’ajoute souvent une illusion tenace: « Mon amour va le changer ». Dans la majorité des cas (sinon la totalité), ce n’est qu’une illusion qui finit par rendre la relation très malsaine. Le meilleur moyen d’être malheureux, c’est de faire dépendre notre bonheur d’une personne.
Des valeurs à partager
Lorsque l’on quitte cette théorie dangereuse pour revenir à du pragmatisme, on découvre que les tenants de l’amour inconditionnel, malgré tout son déséquilibre et sa potentielle perversité sous-jacente, oublient une prémisse de base pourtant essentielle : la relation est-elle bâtie sur un socle de valeurs communes ?
Si un couple partage les mêmes valeurs fondamentales, cela veut dire qu’il existe une ligne infranchissable : celle de l’atteinte à ces valeurs. Tant qu’elles ne sont pas atteintes, l’amour peut alors se déployer de manière inconditionnelle. Cela signifie par exemple que l’on peut ne pas partager une même idée mais que l’on se reconnait réciproquement le droit de penser autrement sans que cela n’entame l’affection que l’on se porte. La limite ici est celle du respect : « Je respecte ton droit de penser différemment de moi sur tel sujet ». C’est d’ailleurs ce qui permet à chacun d’évoluer car on n’est pas toujours d’accord sur tout et l’échange, en proposant une autre vision, devient alors enrichissant.
En revanche, si cette limité est bafouée, ce n’est plus de l’amour puisque l’on se retrouve dans un rapport domination/soumission. Avec une personnalité qui n’est pas encore parvenue à se construire avec suffisamment de solidité et d’affirmation, une situation de dépendance entrainant une souffrance arrive très vite. Par exemple, on va dire non à son propre désir ou bien, accepter quelque chose que l’on ne veut pas et ce, par peur d’un conflit, peur d’être rejeté ou abandonné, peur de ne plus être aimé, de perdre l’autre, de se retrouver seul, etc.
Quand l’amour est alimenté par toutes ces peurs ou fondé sur elles, quelque soit l’enrobage moral ou spirituel dans lequel on l’enveloppe, ce n’est pas de l’amour. C’est de la dépendance et une incapacité à s’autonomiser ; on se sent obligé de satisfaire les demandes et besoins d’autrui au détriment de ses propres besoins. On en vient à sacrifier sa dignité et son bien-être pour se faire accepter, voire tolérer. Il y a un besoin de plaire à tout prix mais le prix est infiniment trop élevé car le besoin d’être respecté s’efface devant le besoin d’aimer ou de se faire aimer. Cela peut devenir dramatique lorsque le dépassement de ces limites, que constituent ces valeurs, touche à l’intégrité (psychique ou physique) d’un des membres du couple.
Retrouver l’équilibre
Toute relation n’est en équilibre que lorsque le Je et le Tu œuvrent ensemble. Elle est en déséquilibre quand le Je ou le Tu prend un ascendant sur l’autre et l’oblige à se conformer à sa propre vision. Si cette asymétrie arrive occasionnellement, il n’y a pas de souci particulier à se faire (tant que les valeurs et besoins essentiels ne sont pas atteints). Mais si elle est récurrente, alors la souffrance reprend ses quartiers.
C’est là qu’il est nécessaire (et dans certaines situations, vital) de revoir ses propres besoins fondamentaux pour vivre de manière satisfaisante, de bien connaitre ses valeurs pour définir ses limites et de réapprendre à s’aimer soi-même pour se faire respecter. C’est en fait devenir adulte tant l’inconditionnalité revendiquée par certaines personnes témoigne en fait d’une incapacité à décider de ses propres choix et à satisfaire seul ses propres besoins.
Il n’en demeure pas moins qu’il peut arriver qu’une personne aime inconditionnellement car elle ne sait pas aimer autrement, est sécurisée dans cette dépendance et n’en ressent pas de souffrance. Elle peut y voir l’accomplissement d’une valeur plus haute ou plus nécessaire que le respect de sa personne. Une telle personne a toute liberté de vivre cela mais après avoir répondu en toute honnêteté à ces questions : cette relation me satisfait –elle et me permet-elle de m’épanouir comme je le désire? La voudrais-je différemment ? Si elle trouve là un réel équilibre, alors pourquoi pas dès lors qu’elle assume son choix.
Le bonheur, c’est l’équilibre entre ce que l’on vit et ce que l’on désire vivre.
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