Le lâcher-prise n’est pas toujours facile à comprendre. Concrètement, que signifie-t-il ? Parfois, il semble même difficile à mettre en œuvre. Loin d’être une passivité ou une résignation, il est une mise en action pour aller vers ce qui vient, ce qui nous convient. Tout le problème est de savoir comment il faut faire et à quoi ça sert.
Nos limites naturelles
A force d’avoir entendu dire « quand on veut, on peut », nous avons fini par croire que nous avons un immense pouvoir et que tout est affaire de volonté. La conséquence directe de ce genre d’adage dangereux, c’est que lorsque nous rencontrons un échec, la culpabilité arrive aussitôt : c’est parce que nous n’avons pas eu assez de volonté que nous n’avons pas réussi. Mais c’est faux ! Nous pouvons réussir ce qui dépend de nous (mais jamais à 100%) et nous ne le pouvons pas sur ce qui ne dépend pas de nous.
Rien de plus simple comme exposé ; c’est ce qu’Epictète, il y a environ 20 siècles, n’a cessé de répéter et que la plupart des thérapies actuelles reprennent. Et pourtant, nous l’oublions très régulièrement d’où nos insatisfactions, nos pertes de confiance en nous, nos colères et nos culpabilités. Or, si nous pouvons beaucoup, nous ne pouvons pas tout. Même avec de la volonté !
Le lâcher-prise survient quand notre raison nous montre les limites de notre pouvoir : essayez donc de faire miauler un chien ou aboyer un chat ! Cet exemple basique illustre que tout ne dépend pas de notre volonté. De même, vous ne pourrez pas empêcher la loi de la gravitation, la course des étoiles dans le ciel, votre voisin de penser ce qu’il pense ou l’élu(e) de votre cœur de ne pas être sensible à votre charme ; nous ne pouvons pas tout, ni sur le cours de l’univers, ni sur les évènements de la vie ou sur les personnes. Ce n’est donc parce qu’on le veut qu’on le peut !
Notre besoin de contrôle
Même si nous comprenons que notre pouvoir n’est pas illimité, nous avons cependant et quasiment tous une tendance naturelle à vouloir contrôler notre environnement. Cela crée notre sécurité car nous avons alors – ou croyons avoir – la maitrise. C’est rassurant quand nous y parvenons et dans le cas contraire, c’est frustrant, agaçant ou angoissant.
Que voulons-nous contrôler ? Nos idées, nos émotions, nos biens matériels et nos relations, nos collègues de travail, nos familles, ce qu’ils pensent, disent et font et tant d’autres évènements de notre vie quotidienne, voire de la vie en général… Nous voulons que la météo soit ainsi, que la Terre soit mieux respectée, que tel Gouvernement fasse ceci et pas cela, que notre employeur nous octroi une augmentation, que nos enfants se comportent de telle manière, etc, etc. Nous aimerions que tout soit parfait selon notre propre conception de la perfection. Nous nous créons ainsi des attentes (souvent insatisfaites), des inquiétudes, des tensions.
La difficulté à lâcher-prise repose essentiellement sur deux peurs futures : celle de ne pas obtenir ce que l’on désire et celle de perdre ce que l’on a. Mais si nous ne le faisons pas, nous risquons par exemple :
- de ruminer longuement (ou indéfiniment) un échec, voire de nous endormir avec …. et nous prenons alors le risque de nous en rendre malade
- d’essayer de tout faire nous-mêmes jusqu’à en être épuisé ou à l’inverse, de refuser de faire quelque chose de peur d’échouer
- d’imaginer une situation (très) négative si survient quelque chose de différent de ce que nous avons décidé ; nous faisons aussitôt naitre une inquiétude nous empêchant de rester lucide
- d’être en colère quand un imprévu arrive en oubliant que la vie est remplie…d’imprévus !
En gros, nous refusons ce qui est car nous estimons ça pourrait être différent ou plutôt, que ça doit être différent.
Attention, cela ne veut absolument pas dire que nous ne pouvons rien faire et qu’il faut tout subir ! Cela signifie qu’il nous faut en premier lieu réaliser quelle est la véritable étendue de notre pouvoir d’influence et d’action. Lâcher-prise, c’est donc accepter que quelque chose puisse être différent de ce à quoi nous nous attendions. Ce n’est pas l’approuver, s’en contenter ou s’y résigner, c’est reconnaitre qu’elle est ce qu’elle est.
C’est donc bien accepter d’abandonner l’idée du contrôle de tout. C’est en même temps abandonner la peur du non-contrôle en se demandant si la situation négative que nous redoutons a une « réelle réalité » ou n’est qu’un pur produit de notre imagination. Cela implique de s’abandonner en confiance à une certaine incertitude pour focaliser nos énergies, non plus sur ce qui est, mais sur ce nous pouvons faire. Lâcher-prise implique par conséquent de centrer nos énergies sur ce qui dépend de nous et que nous pouvons réaliser.
Ce n’est donc nullement du « j’m’en foutisme » ni se désintéresser de tout en abandonnant tout effort dès que surgit une difficulté. C’est un acte de confiance. En soi et en ce qui arrive. Et une mise en action par rapport à ce qui dépend de nous. Cet abandon confiant demande une certaine pratique mais quel gain immense il nous offre !
Elargir sa vision
Lâcher-prise, très souvent, c’est aussi essayer d’envisager une situation avec un autre angle de vue. C’est sortir d’un cadre quand nous réalisons que ce cadre limitant, c’est nous-mêmes qui l’avons créé. C’est bien ce que préconise Epictète en évoquant nos jugements, c’est à dire notre manière d’appréhender une situation donnée..
En bien des situations de la vie courante, c’est agir tout en ne restant pas focalisé de manière obstinée sur un résultat unique. Cela signifie être ouvert soit à un résultat différent soit à des solutions non prévues. En effet, si vous voulez absolument contrôler ce sur quoi vous n’avez pas de pouvoir, c’est un combat perdu d’avance et qui peut coûter cher (santé physique, psychique ou relationnelle). Si vous acceptez vos limites (et nous en avons tous), que vous les respectez et vous ouvrez à des solutions autres, vous permettez à l’harmonie de reprendre ses droits et vous pouvez agir adéquatement.
Dès lors, il est très intéressant (et très profitable) d’apprendre à lâcher de ce qui nous encombre négativement. Pour cela, il faut d’abord lister ces « encombrements » : un regret, une blessure du passé, un échec, un sentiment de culpabilité, une anxiété, une croyance négative, etc. puis, pour chacun, de se demander :
- Est-il utile de le conserver ainsi, de le ressasser, de m’en affliger ? Qu’est-ce que j’y gagne ? Et qu’est-ce qui j’y perds ?
- Si je lâchais, que se passerait-il de positif pour moi ?
Lorsque nous sommes bloqués par une situation, lâcher-prise permet de prendre du recul pour l’envisager avec un angle de vue différent ; cela ouvre infiniment de possibilités diverses. Nous croyons réel ce qui n’est souvent qu’une simple création de notre imagination et nous enferme dans une vision unique. Elargir sa vision permet une ouverture à beaucoup d’autres « réalités » dont certaines nous seront profitables et bénéfiques;
Nous voyons ainsi que notre volonté dont il était fait mention en début de cet article ne consiste plus à changer ce qui ne peut être changé mais à modifier notre perception d’un évènement donné, (passé, présent ou futur). Car cela dépend de nous, de notre volonté !
PS Pour en savoir plus et comprendre les obstacles du lâcher-prise mais aussi les moyens d’y parvenir, voir mon livre « Le lâcher-prise selon Epictète », ed. Jouvence, 2017
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