Quel ouvrage de Stefan Zweig choisir ? Il fait partie de ces rares auteurs dont l’intégralité de l’œuvre se doit d’être lue : la finesse du style, l’étonnante perspicacité dans l’analyse des émotions, la justesse des personnages, la délicatesse du ton, tout est admirable chez ce très grand écrivain, roman et nouvelles.
J’ai choisi « Le monde d’hier » car il est un témoignage extraordinaire sur un passé récent et se distingue par un hommage éblouissant à la paix, à la liberté et à la culture. C’est un enchantement grâce auquel, également, on découvre sous un jour sensiblement différent, une infinité d’écrivains, musiciens, artistes et hommes de science ou de la politique qui ont partagé son amitié : Hugo von Hofmannsthal, Emile Verhaeren, Salvador Dali, Sigmund Freud, Gustav Mahler, Richard Strauss, Romain Rolland, Paul Valéry, Théodore Herzl, Walther Rathenau, Rainer Maria Rilke et d’autres. Il en parle d’une manière telle que l’on a envie de les (re)découvrir.
Après nous avoir fait rêver une époque magique, il nous montre la tragédie qu’a représentée la venue de la sauvagerie nazie et la destruction de ce monde qui pratiquait le culte de l’art et le respect des conventions. Ce livre met aussi l’accent sur un point non négligeable. On pouvait supposer que la barbarie était l’apanage des incultes et que, pour communiquer, la force du muscle remplaçait l’absence de mots ou de réflexions construite. On pouvait dès lors en déduire que la culture des peuples pouvait les amener à une élévation de la pensée et à une prise de conscience favorisant l’harmonie et la paix. L’arrivée au pouvoir d’Hitler montra hélas qu’une partie d’un peuple cultivé pouvait également ne rien respecter et détruire atrocement et sans vergogne tout différence de point de vue. Cela fait songer au Culte de la Raison et de l’Être suprême dans la France de 1793… Pour autant, une telle exception suffit-elle à abolir la croyance en une élévation de l’âme, du cœur et de la pensée pour maintenir un équilibre ? Ou doit-on désespérer de l’espèce humaine ? Chacun en tirera sa propre réflexion que ce livre magnifique met en exergue.
A cette lecture, on comprend également mieux le suicide de Zweig. Il croyait en l’être humain, il croyait à la construction d’une Europe unie et il tenta, à son modeste niveau, de modifier le cours de l’histoire mais il dut constater que peu à peu, le monde devenait fou. Cette déception fut un déchirement et il ne pouvait dès lors demeurer simple spectateur des ultimes convulsions de cette folie destructrice qui ressemblait tellement à une marche terrifiante vers l’abime.
Ce livre est un document inestimable pour mieux saisir un sens aigue de la philanthropie, de l’humanisme, pour mieux appréhender un épisode important de l’Histoire et pour conserver toute sa vigilance sur les errements auxquels nous pouvons assister.
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