Tous les jours, dans notre environnement, nous entendons beaucoup (trop ?) de musique ou assimilée… et souvent sans le vouloir.
Est-ce que « la musique adoucit les mœurs » ? Elle le fait dans certains cas, les maltraite dans d’autres. Il lui arrive de sublimer les fonctions les plus primaires, les plus pulsionnelles et de rendre agressif ou bien, de parler à notre cœur, voire d’élever l’âme.
Le terme « musique » est tellement vaste ! Danse populaire ou chant grégorien, symphonie avec orchestre philharmonique ou longues mélopées sur synthétiseur, tambourinage avec des percussions ou balade à la harpe celtique, hurlement de guitare électrique ou sensualité du saxophone….
En fait, elle est le langage des affects et le reflet des cultures. Ensuite, tout dépend quels sont les affects que l’on veut privilégier.
Trois composantes de base
La musique agit d’abord par trois composantes : mélodie, harmonie et rythme. Il semblerait que les régions du cerveau nécessaires à l’appréciation du rythme soient situées notamment dans l’hémisphère droit tandis que celles faisant saisir la mélodie seraient davantage dans l’hémisphère gauche. L’harmonie, quant à elle, nécessiterait la sollicitation des deux hémisphères.
La mélodie est un arrangement de sons ou de notes exécutés et entendus successivement pour former un air. Elle serait l’apanage de la fonction analytique du cerveau gauche qui peut en concevoir un plaisir esthétique (ou un déplaisir) et interfère donc sur l’humeur. « La source essentielle du plaisir musical serait la mélodie » expose la psychologue Edith Lecourt (La pratique de la musicothérapie, Editions ESF, 1977). Mais « essentiel » ne signifie pas « unique »
L’harmonie est l’utilisation et l’agencement de fréquences simultanées en mettant en relation deux ou plusieurs sons (graves et/ou aigus) ou divers instruments ou mélodies et en les combinant aux fins de produire un effet qui, là aussi, est ressenti comme agréable ou pas selon sa propre sensibilité et l’éducation de l’oreille.
Le rythme détermine la durée des notes ou des accords les uns par rapport aux autres par combinaison d’éléments courts et longs (notes blanches et noires). Par simplification, la musique dite « classique » marque le rythme par combinaison tonale et harmonique des sons d’un ou plusieurs instruments tandis que la musique dite « moderne » privilégie les percussions (ou instruments à son grave ou plages musicales répétitives).
Pour définir le rythme, on peut y adjoindre le tempo, c’est à dire la vitesse d’exécution qui influence aussi notre humeur. Il s’apprécie en nombre de pulsations par minute, du plus lent, largo (40/60) ou même larghissimo (< 40) jusqu’au prestissimo (> 190)
Une composition complexe
Trois autres éléments, très dépendants, sont à prendre en compte. Tout d’abord, la masse orchestrale : la musique est-elle jouée par un seul instrument ou par un orchestre symphonique de plus de quatre-vingts musiciens ? Les combinaisons et modifications de mélodies, d’harmonie, de rythmes, de volume et de timbres peuvent devenir infinies.
Ensuite, la puissance sonore venant de l’instrument lui-même ou du nombre d’instruments ou encore de l’amplification. Elle joue sur notre ressenti. Notre perception globale diffère évidemment si on écoute un doux fond sonore ou si l’on est dans une salle de concert rock. En dessous de 20 Hz, on n’entend plus les sons avec nos oreilles mais on les ressent s’ils ont une certaine intensité. Appelés infrasons, ils ont à forte puissance une résonance avec notre corps dont notre cage thoracique (effet recherché dans la musique techno). A très forte puissance, l’énergie acoustique peut avoir des effets destructeurs, mécaniques, physiologiques et psychologiques.
Enfin, le timbre qui correspond à la « couleur » propre du son et dépend donc de l’instrument lui-même (on distingue facilement un clavecin d’une trompette!).
Nos ressentis et comportements sous influence
Chacune de ces composantes nous impacte. Les films en sont un exemple. Les publicitaires et nombre de commerçants l’ont aussi parfaitement saisi, agissant de manière « occulte » sur nos comportements d’achats qui seraient modifiés selon le style de musique, son tempo, son volume.
Par exemple, il a été montré qu’une même musique, diffusé à un tempo plus lent va diminuer la vitesse de déambulation dans un supermarché et conduire à augmenter le temps que l’on y passe (et à acheter !) ou encore fait passer plus de temps à table à des clients d’un restaurant que ceux exposés à un tempo plus rapide ; la vitesse et la durée de consommation en sont donc impactés Toujours au restaurant, les clients restent plus longtemps et consomment plus s’ils entendent du jazz ou de la musique classique que s’il s’agit de rock qui les incite à se presser de terminer leur repas. Et dans un bar, les consommateurs boivent plus vite (et davantage ?) si la musique est rapide plutôt que si elle est lente !
Sans les nommer, tout le monde connait certains magasins de diététique et de bien-être diffusant des musiques douces, lentes et à faible niveau sonore. Il est facile d’observer que les gens ont une déambulation plus lente, regardent davantage de produits et en achètent plus. Le temps de présence est augmenté car on se sent bien, surtout si par contraste, on vient de quitter une rue où les agressions sonores étaient légions.
Nos comportements sont modifiés par l’environnement musical.
La vie en musique
Dans notre société, la musique est partout et devient un envahissement sensoriel permanent : magasins et hall d’hôtel, restaurants et bars, salle d’attente et transports en commun, la rue, les ascenseurs et les parkings souterrains ! Hélas, elle est régulièrement de piètre qualité et à un niveau sonore trop élevé. On finit par assimiler à de la musique une succession de bruits ininterrompus qui fusionnent entre eux. Pitié pour nos oreilles et pour nos neurones !
Certes, il en faut pour tous les gouts. Le problème est que cela nous est constamment imposé, à tout instant, et que l’on ne peut y échapper, quoique l’on veuille, quoique que l’on aime. C’est tout simplement de l’agression.
La musique contemporaine s’est axée grandement sur l’importance du rythme en privilégiant, parfois à outrance, le rôle des percussions et batteries. Cela (sur)développe les sentiments d’ivresse, d’euphorie, d’exaltation, voire exacerbe les comportements pulsionnels et entraîne une surenchère de l’émotionnel. Quand les rythmes et les fréquences sont trop rapides, trop agressifs, trop forts, notre organisme essaye de s’adapter… comme il le peut. En général, par un accroissement de tensions, même si on se sent « euphorique ». Par exemple, une musique rapide augmente les pulsations cardiaques
Dans une conception classique, on distingue les sons dit purs qu’utilise la musique et produits par les instruments et les sons dits impurs désignant les bruits que l’on entend. Distinction subtile et délicate… En effet, à partir de quand ou de quoi un son est-il considéré comme musique ou comme bruit, appréciable ou désagréable ? Passionnant débat qui n’a hélas pas sa place ici !
Tout est question de dosage. Ecouter de temps en temps du rap ou du hard rock ne fait pas de mal et procure une « détente excitante » mais transformer sa voiture en discothèque ambulante[1] ou écouter toute la journée des musiques saccadées, syncopées ou au tempo rapide avec un volume élevé ne peut avoir à terme que des conséquences néfastes sur notre état général et malmène violemment notre système nerveux. Comment ainsi retrouver le calme dont nous avons cependant tant besoin ?
La langage des affects
Que faut-il écouter ? Tout est affaire de gouts particuliers et trancher ce point est impossible. Autant de personnes et autant de sensibilités différentes.
Il est cependant intéressant de noter que la musique baroque est remise à l’honneur depuis quelques temps. Le baroque, c’est un siècle et demi d’une musique profondément humaine, dans plusieurs pays, et donc autant de sphères culturelles différentes, dans un grand nombre de genres musicaux, profanes et sacrés.
En usant d’harmonies très riches et plaisantes, il a mis l’accent sur l’intensité émotive et s’est attaché à en dépeindre toute une palette, satisfaisant pleinement cerveau droit et cerveau gauche en même temps. Nous avons vus combien leur synchronisation apporte de bienfaits ! Par exemple, Erik Pigani , psychologue et psychothérapeute, rapporte : « Autre expérience étonnante réalisée dans le métro de Newcastle, en Angleterre : les responsables de la sécurité des stations ont remplacé la diffusion de musique rock par du baroque. Vandalisme et agressions ont diminué de moitié ! Depuis, tous les services ont reçu ordre de diffuser des mélodies douces avec des instruments traditionnels plutôt que les hurlements électriques des groupes en tête des charts… » ( http://www.psychologies.com)
Lorsque vous voulez vous apaiser et recréer des ondes alpha, il est évident que les mouvements lents sont à privilégier, vous apportant aussitôt calme et sérénité et favorisant les travaux intellectuels en procurant une sensation de stabilité et de sécurité. Le mouvement « adagio », si souvent apprécié pour l’apaisement qu’il procure, se caractérise en effet par son tempo lent : 60 à 80 pulsations par minute.
Toutes les musiques agissent sur notre état physique et mental grâce aux vibrations qu’elles émettent et en participant à la production d’endorphine. Régulièrement, privilégiez les musiques douces qui vont générer dans votre cerveau des ondes alpha. Le chant grégorien en est un bon exemple car, basé sur les rythmes de la respiration, il aide à se concentrer, à méditer et joue comme atténuateur de stress, comme facteur apaisant car il s’adresse « directement à l’âme »[2]. Mais il en d’autres aux mêmes pouvoirs procurant détente et bien-être.
Paul Verlaine débutait ainsi son Art poétique : « De la musique avant toute chose » et poursuivait plus loin par ce beau quatrain :
« Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor ! »
Nuance, équilibre, harmonie… Une belle composition !
[1] La Revue trimestrielle de l’Institut Belge pour la Sécurité Routière, dans son numéro du 4ème trimestre 2008, fait état d’une étude du Royal Automobile Club en Grande-Bretagne (se basant elle-même sur une étude canadienne !) qui, pour souligner le rôle crucial du niveau sonore, note que « écouter de la musique tonitruante en voiture peut engendrer une augmentation significative du temps de réaction, jusqu’à 20 % ! De même, les conducteurs qui écoutent ce genre de musique sont deux fois plus enclins à brûler un feu rouge et courent un risque d’accident deux fois plus important. » [2] L’expression est de Alfred A. Tomatis qui, dans un entretien avec l’Association Professionnelle Suisse d’AUDIO-PSYCHO-PHONOLOGIE (APP) déclare : « Le rythme cardiaque se cadence sur la rythmique de la phrase grégorienne et devient plus tranquille. Il nous permet de redécouvrir un moment privilégié de calme intérieur ».
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