Certaines personnes écoutent sans écouter et cherchent d’abord à donner un conseil. Qui peut être judicieux…ou bien, complètement faux, voire inutile ou même blessant.
La prière dite de Kierkegaard différencie bien l’écoute du conseil comme le montre cet extrait : « Si je veux réussir à accompagner un être vers un but précis, je dois le chercher là où il est et commencer là, justement là. Sinon, je me trompe moi-même quand je pense pouvoir aider l’autre. Pour aider un être, je dois certainement comprendre plus que lui, mais d’abord comprendre ce qu’il comprend. Si je n’y parviens pas, il ne sert à rien que je sois plus compréhensif et plus savant que lui.. »
L’empathie, c’est trouver l’équilibre de l’écoute entre le trop proche qui entrainerait de la confusion et le trop loin qui génèrerait de la froideur. Dans ces deux extrêmes, on passe à côté de ce qui est exprimé alors qu’il s’agit d’établir (ou de renforcer) un lien de confiance et d’échange. Toute personne à qui nous parlons a, comme nous, ses propres idées, ses humeurs, son caractère, etc. Ecouter une personne avec empathie ne peut être une application de « recettes » mais bien un mouvement partant de soi vers l’autre.
Quels pourraient être les dix principes clés de l’écoute empathique ? On peut les résumer de la manière suivante, sachant que chacun est essentiel, dépend des autres et se nourrit des autres.
1/ Accueillir l’autre avec bienveillance sans jugement a priori.
Les jugements visés sont tous ceux qui peuvent être négatifs, dévalorisant, rejetant. L’idéal serait de rencontrer l’autre comme si c’était la première fois. Accueillir, c’est reconnaitre à l’autre le droit de penser ce qu’il pense et de ressentir ce qu’il ressent.
2/ Rester (con)centré et orienté sur l’autre et non sur soi.
C’est l’AUTRE que l’on écoute. Si l’on ramène à soi (« Tiens, justement, il m’est arrivé la même chose. Figures toi que…. »), on n’est plus en écoute.
3/ Trouver le juste équilibre avec une attitude chaleureuse mais non envahissante.
Donner de la chaleur humaine se fait par l’attention que l’on accorde à l’autre et se nourrit de l’intention qui nous fait aller vers lui. Elle n’a pas besoin d’être démonstrative et respecte l’intimité de l’autre.
4/ Chercher le point de vue de l’autre sans constamment faire valoir le sien propre ni conseiller sur tout.
Lorsque l’on s’exprime, on a d’abord et avant tout besoin d’être écouté. Si l’on a besoin d’une solution ou d’un conseil, cela doit être exprimé explicitement. Il faut ainsi faire taire notre réflexe de donner un conseil qui n’est pas demandé. Il faut donc demeurer sur du factuel et s’interroger sur ce que la personne fait en relation avec ce qu’elle veut.
5/ Demeurer disponible et ouvert sans se laisser envahir par ce qui est dit.
A défaut, on entre en fusion qui entraine de la confusion avec le risque de se transformer en éponge à émotions en prenant sur soi le problème de l’autre ; dès lors, on n’est plus un soutien mais un poids. Il importe donc de se dissocier – tout en étant présent à l’autre – pour établir le lien entre les éléments de son discours.
6/ Écouter jusqu’à ce que l’on comprenne ce qu’exprime la personne.
Il faut alors agir en miroir, questionner et reformuler pour (faire) clarifier et (faire) valider ce qui est dit. L’essentiel est de comprendre ce que l’autre comprend et ressent. Il ne s’agit pas d’accepter ou de partager mais avant tout de comprendre.
7/ Laisser la personne chercher sa solution.
Il est ici question de lui permettre d’effectuer son propre chemin. Aider ne consiste pas à faire « à la place de » ou à imposer nos propres idéaux, croyances et valeurs ou doutes, craintes et peurs mais davantage à ouvrir tous les possibles.
8/ Accroître « l’estime de soi » de l’autre.
Pour que l’autre retrouve sa propre estime, il convient d’être attentif à ne pas critiquer, dévaloriser ou exhorter. Cela peut faire naitre de la culpabilité et détruit l’équilibre de la relation en opposant un « sachant » et un « ignare ».
9/ Etre en paix avec soi-même.
Il s’agit là de savoir apprivoiser les sentiments (positifs ou négatifs) que l’on peut éprouver pour l’autre. Carl Rogers avait une interrogation puissante et source de réflexions : «Suis-je psychologiquement mûr ? ». On pourrait ajouter : « Suis-je en état d’écoute ? ». Il ne s’agit pas d’être empathique à chaque instant avec chaque personne mais de l’être lorsque cela est approprié.
10/ Et s’interroger : que ferais-je et que ressentirais-je si j’étais cet autre, vivant ce qu’il vit ? Que comprendrais-je si j’étais à sa place ?
Dans un très grand nombre de situations, le fait de se décentrer ainsi est une clé pour comprendre l’autre.
Finalement, être empathique, c’est développer et adopter le plus souvent possible les attitudes suivantes : flexibilité, finesse, intuition, confiance, respect, bienveillance.
L’empathie n’est pas un objectif mais un moyen pour comprendre l’autre. En effet, l’objectif n’est pas de s’affronter dans une lutte de « c’est moi qui ait raison ! » car ce n’est plus alors un dialogue mais une bagarre de deux monologues. ; il est de comprendre ce qui est exprimé, aux niveaux cognitif et émotionnel. L’empathie a donc toute sa place dans chacune de nos relations, personnelles ou professionnelles.
Les gens changent non pas en fonction de nos conseils, fussent-ils avisés, mais d’abord en fonction de la façon dont on les écoute.
Pour approfondir le sujet, voir mon livre : « L’empathie, un chemin vers la bienveillance – Développer son intelligence relationnelle » Xavier Cornette de Saint Cyr. Ed. Jouvence,2017. Un petit livre pratique pour comprendre ce qu’est réellement l’empathie, en découvrir ses bienfaits et apprendre à la mettre en œuvre dans chacune de ses relations.
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