Vraiment, il faut lire et relire Maupassant ! Il est ici extraordinaire : l’héroïne se voit confrontée, au long de sa vie, à divers événements forts : morts, meurtres, naissances, trahisons, passions, douleurs…. et pourtant, en s’attachant à nous faire vivre tout cela à travers son regard, il en arrive à nous faire croire que rien ne se passe !
Jeanne semble avoir passé sa vie à regarder par une fenêtre un vent d’automne gris et pluvieux qui emporte feuilles, passions et espérances. Sa joie du début n’a cessé de se consumer jusqu’à s’éteindre tout à fait. Pour accentuer cela, revient en contrepoint et presque comme un refrain de plus en plus lointain le souvenir de ce lumineux voyage en Corse.
Comme toujours, chez cet auteur, le style est fin, précis, concis. Il n’analyse quasiment pas, il décrit mais il a un tel sens de la description que chaque personnage vient se dessiner avec de plus en plus de netteté. Parfois de manière très cruelle (la manière dont est vue cette pauvre Louison fait mal), parfois avec une certaine tendresse (le père de Jeanne est très attachant). Quant au mari, on hésite entre la pitié pour sa triste insignifiance et la colère pour son égocentrisme abject : un homme séduisant pour ceux qui le croiseraient rapidement, un « pauvre type » pour ceux qui le connaîtraient bien.
Souvent, on voudrait secouer Jeanne, la réveiller, la forcer à prendre son destin en main, la rendre maîtresse d’elle-même, lui faire refuser de subir. On irait même jusqu’à lui souhaiter de prendre un amant. Pour au moins vivre. Il ne faut oublier pour autant que l’histoire se déroule dans un XIXème siècle dont Maupassant nous dresse quelques tableaux cinglants avec sa cohorte de préjugés et de bienséances, quelque soit le niveau social auquel on s’attache. Comme toute époque d’ailleurs. Et les contraintes du milieu viennent rogner les quelques rares volontés que l’innocente Jeanne pourrait avoir.
Ce roman nous plonge dans un indéfini et de l’impersonnel jusqu’à croire à la banalité de ce qui fait vivre. Le titre est très révélateur. « Une vie ». Aucun qualificatif. Une vie comment ? Une vie de quoi ? Une vie de qui ? Rien. Juste une vie, avec la quête d’un bonheur qui n’a cessé de couler entre des mains incapables de le saisir.
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