Parfois, il en est des mots ou des expressions comme des beaux paysages. La première fois, ils nous émerveillent et puis, l’habitude s’installant, on n’y prête, hélas, plus l’attention qu’ils continuent de mériter.
Il en est ainsi du mot « changement » qui, à force d’utilisations, s’est banalisé : on le rencontre partout, il est devenu presque vide de sens, on ne sait plus trop à quoi il correspond.
Vouloir, c’est pouvoir dit le proverbe. Eh bien non ! Si on ne sait pas ce qu’on veut, on ne peut pas grand-chose. Et si le proverbe était toujours vrai, que de choses s’accompliraient !
Changer le changement
On peut dire que le changement est au cœur de nos vies, de la Vie. Beaucoup de penseurs l’ont exprimé. Bouddha : « Il n’existe rien de constant si ce n’est le changement ». Héraclite : « Rien n’est permanent, sauf le changement ». Démocrite : « Le monde est changement ; la vie, remplacement ». Karl Marx : « Les philosophes ont seulement interprété le monde, ce qui importe, c’est de le changer.». Emmanuel Kant : « Seul le permanent change ». Nietzsche : « la croyance que rien ne change provient soit d’une mauvaise vue, soit d’une mauvaise foi. La première se corrige, la seconde se combat ». Machiavel : « Un changement en prépare un autre ».
Arrêtons-nous là ! Et retenons qu’un changement est un processus continu et que chaque changement, même réussi, n’est qu’une étape.
Prenons toutefois le temps de nous y attarder quelques instants. Il est au cœur même du processus d’évolution. Alors, que recouvre-t-il ?
Une définition pour commencer :
« Changement : action, fait de changer, de se modifier en parlant de quelqu’un ou de quelque chose » (Larousse).
« Changer : 1/ : remplacer quelqu’un ou quelque chose par quelqu’un ou quelque chose d’autre. 2/ Rendre différente, modifier. 3/ Faire passer d’un état à un autre ; transformer ». (Larousse)
Pourquoi voulons-nous du changement ? Pour passer d’un état que nous jugeons non satisfaisant à un état correspondant à ce que nous désirons. Pour le dire de manière abrupte : nous voulons autre chose que ce qui est. Si ce qui est devient suffisamment intolérable.
Pertes et bénéfices.
Le changement ne s’active que si ce que l’on vit est ressenti comme une insatisfaction et que l’on espère, en changeant, découvrir des bénéfices actuellement absents.
Néanmoins, d’autres bénéfices, plus cachés parfois, existent. Ne pas changer permet par exemple de ne pas avoir à affronter sa peur d’aller face à une situation qui nous inconnue. Cela permet donc de ne pas modifier un équilibre constitué par des règles et des repères qui nous sont familiers. « Tu sais ce que tu quittes mais tu ne sais pas ce que tu vas trouver » entend-on dire parfois.
Quand notre cadre habituel de fonctionnement se trouve remis en cause, il y a comme une rupture d’équilibre. Ca peut être déstabilisant. L’inconfort de ce que l’on vit est compensé par la sécurité d’une habitude. D’où la grande difficulté de déterminer ce que l’on veut.
Le point de bascule, c’est ce rapport entre les bénéfices actuels et ceux escomptés. Si ceux d’aujourd’hui ne sont plus assez puissants ou ont disparu, l’insatisfaction devient telle que l’on veut alors changer ce qui est. Et parfois, quelqu’en soit le prix ! Encore faut-il savoir que nos points de repère seront modifiés et cela, il faut bien l’accepter. L’inverse existe aussi et on peut ne pas vouloir changer même si la situation actuelle est très inconfortable car le changement ferait perdre quelque chose à laquelle on tient infiniment, que cela soit conscient ou pas.
Par exemple, si ma croyance est « il ne faut se fâcher avec personne », je peux accepter de subir une relation difficile plutôt que d’y mettre fin. Ma croyance est ici corrélée à une valeur comme l’humanisme, la bonté ou « la paix dans les ménages » ! Respecter ma valeur devient alors plus important même si c’est quotidiennement douloureux et même si mon entourage, qui ne partage pas la même croyance ou ne la vit pas avec la même émotion ne comprend pas que je ne change rien. Je peux aussi avoir un autre bénéficie en ne changeant rien : je peux continuer à me plaindre et solliciter ainsi l’attention des autres et leur apitoiement sur mon pauvre sort !
Tout changement se base avant tout sur nos valeurs et nos croyances et est appréhendé en fonction de notre individualité.
Le problème n’est pas savoir si nos croyances sont justes, vraies, intelligentes ou délirantes mais de savoir si elles nous conviennent ou ne nous conviennent pas. Tel est l’enjeu et la difficulté.
Autre chose que ce qui est.
L’homéostasie, c’est cette capacité à conserver l’équilibre d’un fonctionnement malgré la présence de contraintes extérieures. Certaines personnes sont ainsi tenaillées entre la volonté de changer ce qui est et… la peur de quitter ce qui est. En gros : « Changez tout mais ne changez rien ! ».
On voudrait que tout change autour de nous comme nous le souhaiterions mais que pour nous-mêmes, tout continue de la même manière. On voudrait rester immobile alors que tout bouge. Autant vouloir naviguer sur la terre ferme pour ne plus subir les mouvements de la houle de l’océan ! Mais ne rien changer et vouloir que tout demeure identique alors tout change autour de nous, cela ressemble u peu ….à la quadrature du cercle.
Gandhi nous avait pourtant prévenus : « Soyons le changement que nous voulons voir dans le Monde ». Tout commence donc par nous-mêmes plutôt que de demander aux autres de modifier ce qui ne nous plait pas. Et on retrouve le fameux « Vouloir, c’est pouvoir ». Facile à dire mais pas facile à mettre en œuvre.
Autre chose que ce qui est. Oui, mais quoi et comment ? Déterminer le « quoi » de manière précise, réaliste et atteignable n’est pas si évident. Le « comment » peut l’être encore moins ! Avoir sur soi-même et sa situation le recul nécessaire est loin d’être aisé. En effet, le changement ne s’improvise pas et le fait de vouloir, s’il est nécessaire, n’est pas suffisant. Un certain nombre d’éléments sont à prendre en compte, ne serait ce (cela parait évident et cependant…) que de savoir précisément ce que l’on veut ! Et de savoir aussi ce que l’on perd car tout processus de changement implique des modifications irréversibles. Il y a toujours la perte de quelque chose. Cette perte n’est acceptable que si l’insatisfaction ressentie dans la situation présente n’est réellement plus acceptable. Et que par voie de conséquence, le changement rapproche de ce à quoi on aspire profondément.
Avant toute prise de décision importante, il y a donc quatre questions auxquelles nous nous devons de répondre :
– Si je change : qu’est ce que je gagne et qu’est ce que je perds ?
– Si je ne change rien : qu’est ce que je gagne et qu’est ce que je perds ?
Tout changement se décide ainsi sur une balance dont l’un des plateaux contient la perte et l’autre le gain. Il est fonction de l’appréciation subjective et de l’attachement que l’on en a. Autrement dit, il est une réponse à la situation de crise rencontrée.
Carl Rogers disait : « La vie, dans ce qu’elle a de meilleur, est un processus d’écoulement, de changement où rien n’est fixe ».
A chacun de déterminer ce qu’il y a de meilleur pour lui.
En lucidité et sérénité.
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