Magistral ! Le mot n’est pas trop fort. S’il existe un livre étonnant qui ne donne pas la clé du mystère et finalement, en crée bien d’autres, c’est celui-ci !
Bien que son écriture demeure soignée, je n’y ai pas toujours retrouvé le plaisir strictement littéraire des autres ouvrages de Jacqueline Harpman. En revanche, j’y ai dégusté le plaisir d’une analyse particulièrement délicate et juste des personnages et un sens du récit vraiment jubilatoire, même si l’histoire a quelque chose de presque oppressant tant on finit par se laisser prendre par son étrangeté.
Ce qui est fabuleux dans ce livre, c’est qu’il peut se lire à plusieurs degrés. On peut y voir un roman de quasi science-fiction. On peut y trouver de l’angoisse face à l’inconnu. On peut songer à une sorte de thriller qui, jusqu’au bout, ménage ses effets. On peut en retirer un essai sur les relations surréalistes que les êtres peuvent tisser entre eux. Ou encore un essai de psychologie sur le thème de la solitude et de l’altérité, mais aussi de la créativité.
On peut également – et c’est le degré de lecture que j’ai finalement adopté – y voir comme un conte philosophique sur les interrogations (dont beaucoup demeurent sans réponse….) de l’Homme par rapport au monde et par rapport à l’existence. Une sorte de « qui suis-je, d’où viens-je, où vais-je » revisité en y ajoutant, entre autres, quelques pincées du fameux mythe de Platon et une gorgée de celui de Sisyphe.
Il est vrai que ce livre fait naitre de l’angoisse. A la réflexion, c’est peut être parce dans l’histoire de l’héroïne, il n’existe aucune réponse au « Pourquoi ». Dès lors, le « Comment « devient vide de sens. Il est souvent difficile – sinon impossible – de faire quelque chose quand on ne sait pas « à quoi ça sert ». Si ce quelque chose, c’est l’existence, il y a de quoi effectivement ressentir de l’angoisse, celle qui ressurgit de toutes ces pages. C’est sans doute à cause de cette quête impossible que ce livre m’a enthousiasmé et bouleversé.
Ce que j’y ai trouvé de très intéressant, c’est qu’il pose en fait la question des limites de l’instant présent. A une époque où beaucoup affirment sans nuance aucune qu’il « faut » vivre l’instant présent, on s’aperçoit que sans but, sans perspective et donc sans prospective, (sans rêves ?), la tâche est impossible ou plutôt, invivable. Sauf à s’auto-lobotomiser et s’astreindre de tout questionnement.
C’est le genre de livre auquel on continue de songer bien longuement après avoir tourné la dernière page. Difficile de rester insensible et de ne pas se poser quelques questions…
Vous aimerez peut-être également
Ce qui est arrivé le 7 janvier dernier au journal[...]
Ne plus aider les autres ? La question est brutale et[...]
Qu’est-ce qui nous rend malheureux ? Nous le sommes quand nous[...]